Excision parlons-en !
En ce jour où on rend hommage à la femme, la rédaction de Science Santé+ explore un sujet qui n’en fini pas de faire parler de lui de par l’étendue de sa pratique dans le monde. Il a fait l’objet de nombreux combats à la fois de la part des hommes que des femmes dans le monde et particulièrement en Afrique. En ce jour, cette pratique mériterait d’être le thème central de la journée de la femme dans certaines régions du monde afin d’accroître la sensibilisation y afférente.
Il y a de cela une décennie, j’ai travaillé sur un projet de recherche dont le thème portait sur la religion et la pratique de l’excision en Côte d’Ivoire. Cette étude a permis de mettre en évidence l’influence de certains facteurs notamment la religion et le groupe ethnique sur le phénomène de la pratique de l’excision dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. S’il est de plus en plus évident aujourd’hui que ces mutilations génitales ont un impact sur la santé sexuelle des femmes, la causalité directe de ces pratiques restent toujours à mettre en évidence de façon certaine.
1. Des voies qui s’élèvent contre l’excision
Les violences basées sur le genre font partie des formes les plus graves d’atteinte aux droits de l’Homme car elles sont dirigées vers des individus en raison de leur appartenance à un groupe spécifique, particulièrement à un genre donné (homme ou femme). L’expression « violences basées sur le genre » englobe bon nombre de pratiques dégradantes qui vont des violences physiques aux mutilations génitales féminines en passant par toutes les autres formes de violences psychologiques, verbales et économiques.
L’excision est en général confondue avec les mutilations génitales féminines qui elles constituent un ensemble plus vaste dont fait partir l’excision elle même. Elle est parmi les questions qui suscitent de nos jours beaucoup de débats et controverses. Mais, il est à constater qu’elle est encore mal comprise et mal connue même par les scientifiques. Même si beaucoup de choses ont été écrites dans ce domaine, il n’en demeure pas moins que les discours qui y dominent restent marqués par les idéologies.
L’excision est une pratique qui remonte depuis l’Egypte antique et qui n’a cessé de se perpétuer au fil des ans. Les raisons évoquées pour justifier ce phénomène sont nombreuses comme le soulignent les auteurs qui ont travaillé sur la question. Depuis le motif de préservation de la vie de couple en gardant la femme vierge jusqu’au mariage à la nécessité religieuse en passant par les coutumes et traditions, les raisons ne manquent pas.
Benoîte Groult dans son ouvrage « Ainsi soit-elle », s’est montrée très critique vis-à-vis des mutilations génitales féminines. D’après elle, rien ne justifie cette pratique à part la haine du clitoris. Se fondant sur la pensée populaire, elle caractérise « le clitoris » par : « le péché, la source de tout mal, c’est le trou méprisable, l’étui pour l’organe roi qui seul lui confère sa raison d’être. C’est en un mot la femme. Par lui-même il n’est rien. Un trou n’est rien. Il est creux, négatif, vide« . Pour Groult, le monde reste encore muet pour réprimer cette pratique parce qu’il s’agit des « histoires d’organes féminins« .
Le péché, la source de tout mal, c’est le trou méprisable, l’étui pour l’organe roi qui seul lui confère sa raison d’être. C’est en un mot la femme. Par lui-même il n’est rien. Un trou n’est rien. Il est creux, négatif, vide
Benoîte Groult à propos du clitoris dans son ouvrage « Ainsi soit-elle »
Comme son titre l’indique, Awa Thiam dans son ouvrage “la parole aux négresses”, donne la parole à celles qui pendant longtemps se sont tues non pas parce qu’elles n’avaient pas des choses à plaindre ou à réclamer, mais parce que le système d’oppression mâle ne leur permettait pas toute prise de parole. L’auteur donne la parole à des femmes qui racontent principalement leurs conditions désastreuses de mariage et de fiançailles. Elle prend réellement position contre les maux dont souffrent les femmes noires en particulier. A ce propos, elle souligne que bien que tous les problèmes de femmes se recoupent, les femmes noires indépendamment de toute origine : « ont en commun la condition d’être exploitées et opprimées par le même système phallocratique, (…). Il n’est pas rare de retrouver en Afrique ou en Europe, des femmes battues, des femmes dont les maris sont polygames, institutionnellement ou illégalement ».
Tous les problèmes de femmes se recoupent, les femmes noires indépendamment de toute origine ont en commun la condition d’être exploitées et opprimées par le même système phallocratique, (…). Il n’est pas rare de retrouver en Afrique ou en Europe, des femmes battues, des femmes dont les maris sont polygames, institutionnellement ou illégalement.
Awa Thiam dans son ouvrage “la parole aux négresses”.
Renée Saurel publie un ouvrage très critique sur les mutilations génitales féminines. C’est ainsi qu’elle écrit : « Mon propos se limite à un plaidoyer contre les mutilations qui ne sera pas fondé sur la haine du mâle, mais ne ménagera pas ces messieurs quand ils trouvent leur compte dans une si scandaleuse injustice ». L’ouvrage débute par l’histoire de la petite Oumou, une malienne vivant en France avec ses parents. Cette fille qui faisait à l’époque l’école maternelle a été excisée à l’âge de quatre ans par une femme venue spécialement du Mali pour la circonstance. Madame la directrice de l’école très bouleversée par l’opération, prend l’affaire à bras le corps. Un jour, alors qu’elle sortait de l’école, elle rencontre la mère d’Oumou et lui demande si sa fille ne souffrait plus. Cette dernière répond : “Non, ici ça ne dure qu’un mois, au Mali beaucoup plus longtemps. Ça fait très mal. Oumou n’a pas fait pipi pendant deux jours. On est obligé de le faire. Moi je ne voulais pas. (Pourquoi ?) Je ne sais pas. C’est Dieu qui l’a dit. Si on n’est pas coupée, on ne se marie pas. C’est une femme qui vient du Mali, elle le fait avec une lame”.
Mon propos se limite à un plaidoyer contre les mutilations qui ne sera pas fondé sur la haine du mâle, mais ne ménagera pas ces messieurs quand ils trouvent leur compte dans une si scandaleuse injustice
Renée Saurel
Non, ici ça ne dure qu’un mois, au Mali beaucoup plus longtemps. Ça fait très mal. Oumou n’a pas fait pipi pendant deux jours. On est obligé de le faire. Moi je ne voulais pas. (Pourquoi ?) Je ne sais pas. C’est Dieu qui l’a dit. Si on n’est pas coupée, on ne se marie pas. C’est une femme qui vient du Mali, elle le fait avec une lame
Le docteur Taoko de l’hôpital Yalgado, à Ouagadougou estime que si, en Afrique occidentale, la circoncision et l’excision ont relevé surtout du “rite de passage”, l’excision n’est plus aujourd’hui qu’une pratique de routine au sujet de laquelle personne ne peut fournir de “justifications convaincante”.
2. Les conséquences des mutilations génitales féminines
Le 2 juin 2006 à Genève, l’OMS montre en citant que “les femmes ayant subi une mutilation génitale féminine ont sensiblement plus de risques d’éprouver des difficultés lors de l’accouchement et que leurs bébés sont davantage exposés au risque de mourir. Parmi les complications graves de l’accouchement figurent notamment les risques de césarienne, de forte hémorragie après la naissance et d’hospitalisation prolongée. L’étude en question a montré que la gravité des complications augmentait avec l’étendue et la sévérité de la mutilation”. Par ailleurs, les femmes qui souffrent suite à la pratique de l’excision parfois ne savent pas que c’est celle-ci qui est la cause de leur souffrance. Ceci justifie l’intérêt particulier que revêt la lutte contre les mutilations génitales féminines dans les pays où elles sont encore pratiquées.
Les femmes ayant subi une mutilation génitale féminine ont sensiblement plus de risques d’éprouver des difficultés lors de l’accouchement et que leurs bébés sont davantage exposés au risque de mourir. Parmi les complications graves de l’accouchement figurent notamment les risques de césarienne, de forte hémorragie après la naissance et d’hospitalisation prolongée. L’étude en question a montré que la gravité des complications augmentait avec l’étendue et la sévérité de la mutilation
Déclaration de l’OMS en 2006.
L’un des indicateur utilisé pour mesurer le niveau de santé sexuel chez la femme est l’index de fonction sexuelle femelle. Il s’agit d’un index multidimensionnel qui prend en compte plusieurs dimensions de la santé sexuelle. Ces dimensions sont en général le désir sexuel, la douleur, l’orgasme, la lubrification vaginale, la satisfaction sexuelle, les troubles de l’excitation. Elles sont ensuite combinées en un seul indicateur qui rend compte de la santé sexuelle de la femme. Le seuil de 26,55 est communément admis comme seuil d’assujettissement aux troubles sexuels.
Pour ce qui est du désir sexuel, les femmes n’ayant pas subit de mutilations génitales ont plus de désir sexuel que celles les ayant subi. Il en est de même pour l’excitation sexuelle. Toutefois, si on prend en compte le type de mutilation sexuelle, les femmes ayant subi le type I et II ont tendance à éprouver plus de d’excitation que celles ayant subi la mutilation de type III. Pour ce qui est du trio lubrification vaginale – orgasme – satisfaction sexuelle, les femmes non excisées expérimentent mieux ces trois dimensions du plaisir sexuel. Les femmes ayant subi les types I et II expérimentent plus le trio que celles ayant subi le type III. Comme on pouvait s’y attendre, les femmes ayant subi l’excision expérimentent plus de douleurs lors des rapports sexuels par rapport à celles ne l’ayant pas subi. Cela pourrait être dû aux séquelles liées à la mutilation en elle-même ou au rétrécissement de l’orifice vaginal le rendant plus étroit que la normal.
Globalement, les femmes ayant subi une forme de mutilation génitale connaissent une baisse de leur index de fonction sexuelle. D’où le combat pour la libération de la femme des mutilations génitales doit se poursuivre activement et sans relâche.